Lettre aux candidats à la présidence de la République

Lettre aux candidats à la présidence de la République

Letro i candidat à la presidènci de la Republico

 

Tout au long de son histoire, à l’occasion des élections présidentielles, législatives ou municipales, le Félibrige a toujours questionné les candidats.

Ainsi, dès que fut proclamée la liste des candidats à la présidence de la République par le Conseil constitutionnel, le capoulié leur adressa la lettre que voici :

 

De-longo dins soun istòri, à l’óucasioun d’eleicioun, lou Felibrige questiounè li candidat.

Ansin tre la tiero di candidat à la presidènci de la Republico prouclamado pèr lou Counsèu coustituciounau, lou capoulié ié mandè la letro que veici :

 

 

Aix-en-Provence le 20 mars 2017

 

Monsieur le candidat à la présidence de la République française,

Madame la candidate à la présidence de la République française,

 

Le Félibrige, créé en 1854, pour sauvegarder et promouvoir la langue d’Oc, perpétue cette œuvre à vocation culturelle dans tout le Midi de la France, depuis donc plus de cent-soixante ans.

Après des années d’indifférence et parfois de mépris de la part de la France, cette langue comme l’annonce l’UNESCO est aujourd’hui en sérieux danger d’extinction. La timide tentative de reconnaissance, en 2008 (modification de la Constitution – Art. 75-1), de l’existence des langues régionales en France, au seul titre de leur valeur patrimoniale, n’a rien changé dans les faits…

A cet effet le Félibrige, attentif au devenir de la langue d’oc, la langue des troubadours, la première langue littéraire et diplomatique de l’Europe moderne qui a donné à la France, au début du XXième siècle, un prix Nobel de littérature, en la personne de Frédéric Mistral, son fondateur, serait honoré de connaître votre avis sur l’action que vous pourriez mener pour réhabiliter ou du moins sauvegarder les langues régionales de France et leur assurer un avenir digne de leur importance.

– Comme l’ont fait tous les États membres de l’Union Européenne, la France doit-elle ratifier la Charte Européenne des langues régionales ?

– Devant la nécessité qu’elles soient préservées et qu’elles bénéficient d’une sérieuse promotion pour qu’elles puissent être transmises aux générations futures, en dépit de toutes les tentatives avortées durant la dernière législature aurez-vous la volonté d’impulser une proposition de loi touchant le développement des langues régionales dans l’enseignement, les moyens d’information et les relations publiques ? Apporterez-vous concrètement votre soutien à la réussite d’une pareille loi ou d’un statut pour permettre aux langues régionales de vivre officiellement ? Par ailleurs une convention devrait permettre aux régions de participer à la protection des langues de leur territoire. Y seriez-vous favorable ?

– Le Félibrige déplore que l’enseignement des langues régionales soit systématiquement dévalorisé. Le constat montre de façon claire que rares sont les lieux où l’offre est vraiment organisée et que l’information donnée aux parents est largement insuffisante pour ne pas dire d’ordinaire inexistante. Prendez-vous des mesures nécessaires pour assurer la continuité et la cohérence des enseignements des langues régionales depuis le cours préparatoire jusqu’à la terminale ? Le Félibrige demande qu’une vraie dynamique de valorisation de l’enseignement de la langue d’oc soit instituée sous l’impulsion des recteurs et que les conseils académiques des langues et cultures régionales fonctionnent dans l’ensemble des académies et qu’ils soient le véritable moteur des moyens et de l’offre.

– Permettez-nous de rappeler que depuis son origine, le Félibrige n’a de cesse proclamé la nécessité d’une véritable décentralisation, idée dont Frédéric Mistral est à l’origine. Nous sommes persuadés que les principes d’une réelle décentralisation ne seraient que progrès et avantages. Alors qu’après 35 ans de décentralisation, timide mais réelle, la récente réforme des collectivités laisse apparaître une recentralisation, pouvez-vous indiquer clairement si vos objectifs en la matière rejoignent ce modèle de société respectueux des hommes et des terroirs, de leurs intérêts et de leurs droits, souhaité par les félibres depuis toujours ?

– Le Félibrige constate amèrement que la loi « nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) n’ait pas suffisamment pris en compte les multiples données d’ordre social, culturel, géographique, linguistique et ne reflète pas une cohérence de territoires et de cultures. Il regrette également que le contour des nouvelles régions n’ait pas été élaboré à partir des « pays » (ou bassin de vie) et que la réforme n’ait pas eu le courage d’abandonner les délimitations des départements et des régions de l’avant-réforme.

Pensez-vous revoir ce découpage régional en lui donnant pour base les « pays » et tendre vers la suppression les départements ?

– Le Félibrige déplore que l’information ou l’actualité relatives à la culture d’oc, et cette culture elle-même, soient systématiquement occultées.

Le Félibrige déplore que le service public de l’audio-visuel, entre autres, ne remplisse qu’a minima son cahier des charges en matière de langues régionales et que le réseau France Bleu, ignore presque partout cet aspect patrimonial en dépit de ce qui est stipulé.

Quelles dispositions entendez-vous prendre pour remédier à cet état de fait ?

 

Enfin, le Félibrige réaffirme qu’il retient comme seule terminologie pour être employée et défendue : « la langue d’oc dans la diversité de ses parlers (auvergnat, gascon, languedocien, limousin, provençal) ». Il rejoint en cela la définition établie par la DGLFLF (Délégation générale à la langue française et aux langues de France) : « Chaque variété [de la langue d’oc] est l’expression pleine et entière de la langue qui n’existe qu’à travers ses composantes ».

En défendant la langue d’oc dans toutes ses variantes, le Félibrige entend bien défendre aussi la diversité linguistique et culturelle, sa démarche s’inscrit dans le refus de l’uniformisation, de la globalisation ; dans la volonté de promouvoir une façon de vivre originale, une civilisation authentique, ouverte sur l’universel, plus humaine, moins soumise aux seules lois de la technocratie.

Il réaffirme également son attachement, dans la lignée de son fondateur, à l’idée d’une Europe des régions ainsi qu’à celle d’une grande fédération européenne fondée sur la solidarité entre les peuples.

Le Félibrige, sans entrer dans l’action politique partisane, au-delà d’une information auprès de ses membres et sympathisants, rendra publique la présente lettre ainsi que les réponses dont vous aurez bien voulu lui fait part.

En vous remerciant par avance, nous vous prions d’agréer, Monsieur le candidat à la présidence de la République française – Madame la candidate à la présidence de la République française, l’expression de notre respectueuse considération.

 

Jacques MOUTTET, Capoulié du Félibrige

 

 

 

Les personnes désirant recevoir une copie des réponses peuvent en faire la demande auprès du secrétariat administratif du Félibrige.

Li que voudran reçaupre còpi di responso podon n’en faire la demando proche lou secretariat amenistratiéu dóu Felibrige.

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